«C’est là le véritable cœur d’Holacracy: ce n’est pas la solution qui obtient le plus d’approbation qui est appliquée, mais celle qui ne cause pas de tort. »
Interview avec Gerhard Andrey* Co-fondateur de l’entreprise Liip
*Gerhard Andrey est Co-fondateur de l’entreprise Liip. Fondée en 2007 Liip offre tous les services du digital progress : expérience utilisateur innovante, développement sans faille, optimisation pour les moteurs de recherche, analytics sophistiqués et nouvelles méthodes de travail efficientes.
Depuis 2016 les 180 employées de votre agence digitale travaillent sans hiérarchie et sans Conseil d’Administration. La proximité locale est très importante pour Liip qui possède des bureaux à Zurich, Lausanne, Berne, Fribourg et Saint-Gall.
Q : Que signifie en réalité l’auto-organisation ?
Pour Liip, l’auto-organisation signifie d’une part que nous pouvons gérer les affaires courantes efficacement et avec peu de bureaucratie et d’autre part que nous pouvons réagir incroyablement rapidement aux changements de notre environnement de marché. Avec Holacracy, nous avons également supprimé la direction générale et nous avons aujourd’hui une organisation très agile dans laquelle l’autorité est distribuée. Les employé·e·s peuvent ainsi apporter leur pierre à l’édifice en fonction de leurs compétences et de leurs besoins dans l’intérêt de l’entreprise.
Q : Pourquoi avez-vous changé l’organisation de Liip après 10 ans ?
L’introduction d’Holacracy en 2016 n’était qu’une étape sur un chemin qui avait commencé bien plus tôt. La forte croissance qui a suivi la création de l’entreprise, nous a demandé de relever un défi : conserver notre agilité tout en apportant de la clarté dans l’organisation. Un système de gestion hiérarchique classique n’était pas une option pour nous. Car il n’est pas fait pour un environnement de marché en constante évolution.
Après déjà plusieurs années de pratique avec des principes d’auto-organisation, Holacracy en 2016 n’a pas été culturellement une perturbation pour l’entreprise. Bien entendu, l’introduction du système a demandé beaucoup d’énergie. Cependant, environ un an et demi plus tard, les principaux obstacles avaient été surmontés.
Q : Y a-t-il eu un vote interne sur ce changement ?
Avant l’introduction, nous avons mené de nombreux entretiens et enquêtes. Cela a créé une bonne base pour évaluer l’acceptation d’une auto-organisation encore plus conséquente. Cependant, la décision d’introduire Holacracy a été officiellement prise par le conseil d’administration qui, en vertu du droit des sociétés, a la tâche non délégable de déterminer la forme organisationnelle d’une société anonyme.
Q : Combien de cadres et d’employés avez-vous perdus en mettant en œuvre le système Holacracy ?
La fluctuation n’a pas changé de manière significative. Ce qui a changé, c’est l’attractivité sur le marché du travail. On a entendu dire que Liip travaillait différemment des autres et d’une manière très intéressante pour les employé·e·s. Nous en bénéficions beaucoup, encore aujourd’hui.
Q : Combien de temps a duré le changement de forme organisationnelle ?
Il est difficile de déterminer un laps de temps exact. Mais je dirais quand même qu’après un an et demi, nous avons franchi une étape : le système était devenu pleinement opérationnel et les critiques (tout à fait compréhensibles) se sont arrêtées. Aujourd’hui, Holacracy est incontestée chez Liip.
Q : En quoi votre propre rôle a-t-il changé ?
Mes rôles ont été précisés lors de l’introduction. Holacracy est très explicite sur les rôles et les attentes. Avant Holacracy, les raisons pour lesquelles je me chargeais d’un sujet n’étaient souvent pas très claires. En tant que membre de l’équipe de direction, beaucoup de choses se sont simplement accumulées chez nous. Non pas parce que nous étions les personnes les plus appropriées, mais parce qu’on attendait généralement de la direction qu’elle résolve toutes sortes de problèmes. Aujourd’hui, avec Holacracy, la probabilité est beaucoup plus grande que la personne la plus appropriée prenne la décision finale. Pour moi, cela signifie que je ne suis plus pompier, mais que je peux faire ce pour quoi je suis bon et ce que j’aime faire. Et je dirais que c’est vrai pour la plupart des Liipers.
Q : Qui définit les objectifs aujourd’hui ?
Chaque cercle détermine ses propres stratégies et objectifs. Et ce, conformément au purpose (ou raison d’être) du cercle en question et du purpose du cercle supérieur.
Q : Qui est responsable des finances – y a-t-il un directeur financier ?
La finance est un sujet comme un autre, organisé selon les règles d’Holacracy. Il existe un « cercle des finances », qui tient les comptes, gère les liquidités et fait des recommandations d’investissement. Mais il n’y a pas de directeur financier.
Q : Comment les salaires sont-ils déterminés à Liip ?
Cela aussi est organisé au sein d’un cercle. Ce cercle développe notre système de rémunération totalement transparent. Les rôles dans un autre cercle appliquent les règles de ce système et, après intégration du feedback des pairs, donnent les notes finales aux Liipers. La définition des salaires est donc un processus participatif et en même temps autocratique.
Q : Qui est responsable si quelque chose tourne mal ?
Surtout quand les choses ne vont pas bien, Holacracy est un modèle très puissant, parce que la responsabilité est décentralisée et (cela peut paraître surprenant) absolue. Dans le cadre de leurs rôles respectifs, tous les Liipers comme moi-même pouvons prendre les décisions nécessaires. Cela signifie que vous ne devez pas attendre qu’un organe central résolve les problèmes. Et si quelqu’un dans son rôle veut changer les règles de l’entreprise à long terme, c’est aux autres dans le cercle de prouver que la proposition cause des dommages. C’est là le véritable cœur d’Holacracy: ce n’est pas la solution qui obtient le plus d’approbation qui est appliquée, mais celle qui ne cause pas de tort. Cela raccourcit considérablement les réunions. Avec Liip, il est maintenant difficile d’arrêter le changement. Et c’est une bonne chose !